Moi, mon lit, ma vie
L'avis de Ricochet
Moi, mon lit, ma vie, tout un programme. Douze heures dans la vie de l’adolescente qui prend la parole. Dans un flux de conscience incessant, elle informe le lecteur « en direct » de son état, de ses troubles, de ses inquiétudes.
En premier lieu, celles qui émanent de l’état de la planète, permafrost fondant et méthane envahissant ; en second lieu, son sentiment de colère lié à l’incapacité des adultes, et de sa mère en particulier, de répondre à ces urgences et même à prendre la question au sérieux.
On l’écoute avec sympathie et amusement quand elle grossit le trait contre sa « daronne », dans ses tics verbaux (« genre, est-ce qu’on a compris », « si t’es grave vieille », etc.) et dans son attachement à l’enfance à travers Georges, son auditeur mystère...
Petit à petit, Ophélie dévoile sa vie et Stéphanie Richard ménage ses effets. Ainsi, le prénom de l’héroïne se révèle dans une contestation toute adolescente de ce choix parental. La façon dont l’autrice tire partie de ce prénom très chargé d’histoires et de malheur est très astucieux. La protagoniste utilise le prénom d’Ophélie pour se mettre en valeur, elle n’est pas du tout shakespearienne, elle ne se laissera pas manipuler par un quelconque Hamlet. Sa relecture de la pièce élisabéthaine est très réjouissante et utilise sa culture littéraire comme analyse du monde. Choisir d’être Ophélie ou Médée, c’est accepter d’être soumise ou non ; victime ou bourreau.
De son lit, dans sa vie, Ophélie regarde et commente le monde avec une acuité confondante, elle n’a pas la langue dans sa poche.
Les garçons de sa classe, la grande affaire, la ramènent à sa condition de fille, aux inégalités, à la place de chacun, « être un mec », « rester une meuf », tomber amoureuse, avoir des enfants (« qu’est-ce que j’en ferais ? »)… Au bout du compte, sa grande question est toujours « qui suis-je ? »
Dans ce portrait attachant, une idée après l’autre, Ophélie interroge la vie d’aujourd’hui, telle qu’elle se pose pour elle mais aussi pour les adultes, père, mère, enseignants de toutes sortes, donneurs de leçons qui l’entourent.
En contrepoint de ces questions existentielles, elle jongle avec humour et tristesse : humour à son égard, elle se regarde « gésie » dans son lit et joue avec « ci-gît Ophélie » épitaphe mortuaire; tristesse de mourir/vieillir à propos de son grand-père qu’elle ne visite plus parce qu’elle ne veut pas le voir se « désagréger », et ainsi protéger ses souvenirs.
Une journée dans la vie d’une ado, une journée à ne rien faire ? Sûrement pas. Un livre profond, tendre et amusant, un examen de conscience comme un miroir tendu aux lecteur·trice·s.
Présentation par l'éditeur
Aujourd’hui, la mère d’Ophélie, 15 ans, lui a demandé de faire quelque chose de constructif de sa journée... Mais depuis son lit, refuge qu’elle ne compte pas quitter, Ophélie cherche une bonne raison de se lever et se met à penser à sa vie. De son prénom dramatique, au réchauffement climatique, en passant par l’amour, le féminisme, le vieillissement, les attentes parentales, rien n’échappe à la