Mon ami Bao

Cela commence comme un documentaire : « Bao Xishun naît en 1951, à Chifeng. » Il est présenté à bras par une femme, sa mère peut-être, comme tous les bébés du monde. Le temps et le vent passent sur la Mongolie calme et vide. On retrouve Bao assis à son pupitre d’écolier, trop grand, inadapté à la classe, objet de tous les regards. Le texte commente cette taille incroyable (2,3354m) et offre au lecteur des comparaisons incongrues « le bruit de ses os qui craquent… peut-être même que ça fait le bruit d’un lac gelé en hiver ». L’illustration donne à voir la croissance extrême, seules ses jambes tiennent sur une page, il est comparé aux arbres, ses jambes « débordent » du lit jusqu’au lac gelé… Intrigantes, poétiques, dans des couleurs en demi-teintes, textes et images se répondent.
Tout à coup, le narrateur qui nous parlait de Bao, introduit son amie Gisèle. Le récit se poursuit autour du mal de vivre de Gisèle, « parfois Gisèle pèse lourd » La dépression est comparée à une pomme de terre au fond de son ventre « et que ses germes [ont poussé] comme des tentacules affamés ». La thématique du grand semble s’éloigner au profit du lourd, Gisèle est écrasée par « la pieuvre ». L’image du narrateur en scaphandrier face aux tentacules de l’hydre montre que le combat est inégal, voire désespéré. Les cigarettes s’entassent dans le cendrier, en tête-à-tête, le narrateur et Gisèle essaient de communiquer « j’essaie de faire diversion. Je lui parle de Bao »
Le troisième temps de ce roman graphique mêle les deux personnages. On reprend le « documentaire » sur Bao et l’incroyable épisode, authentique, des dauphins sauvés par ses –très- grands bras ! Retirer le plastique des estomacs des dauphins, c’est comme retirer la pomme de terre de Gisèle ... mais c’est plus facile. Gisèle sur la dernière image est présentée les bras le long du corps, les longs bras de son ami s’enroulent comme une écharpe.

Album magistral, un langage très simple, rythmé comme une ballade où se perçoit le désarroi du narrateur. Roman graphique, à l’illustration inspirée, jamais lourde, aux coloris doux et tristes. Une belle histoire de vie entre réalité et fiction.