Mon père est un homme-oiseau

Elizabeth, Lizzie, vit seule avec son père. Ce dernier l’inquiète beaucoup : il se prend pour un oiseau, mange donc des vers de terre, construit un nid, et, équipé d’une paire de plumes, va participer au grand concours de l’homme volant au-dessus de la rivière. Pour mieux s’occuper de lui, la petite fille décide de manquer l’école. Consciemment ou non, elle va se mettre à la hauteur des visions de son père, y adhérer pour mieux le ramener à une certaine réalité…
L’inventivité hyper-sensible de David Almond se manifeste une fois de plus dans ce roman pour les plus jeunes, illustré avec tendresse. La situation initiale à l’inverse de la normalité ne manque pas d’émouvoir, et on adopte d’emblée l’héroïne, on plaint cette toute petite fille trop tôt lancée dans le monde des adultes. Les causes de la folie douce du père ne seront pas explicitées par le narrateur externe ni par les dialogues ; on peut les supposer liées à l’absence de la mère, qui n’est pas non plus éclaircie. Et puis, la tante Doreen arrive avec ses beignets, suivie du directeur de l’école, le compréhensif Monsieur Menthe. Lizzie peut se retrouver dans une position d’enfant, et donner libre cours à ses envies. Son cœur aimant la pousse vers son père, dont elle va adopter le point de vue. Là encore, on ne sait pas trop si le fait est calculé pour permettre à son père de garder un contact avec le réel, ou si sa fantaisie d’enfant attirée par toutes ces plumes prend le dessus. Toujours est-il que les deux vont faire partie de la cohorte de participants au concours, tous plus originaux les uns que les autres. Il n’y aura pas de gagnant, mais un apprentissage : « Que nous volions dans les airs ou que nous versions dans l’eau, ça n’a aucune importance. On est tous les deux. On le fait tous les deux. C’est ça qui compte. » (p. 87). Les illustrations, mélange simplissime de crayonnages aquarellisés et de collages, sur des fonds blancs, s’adaptent merveilleusement au ton à la fois quotidien et décalé, réaliste et symbolique, que parvient à donner David Almond à son roman. Précisons encore que, très dialogué, l’ouvrage se prête avec bonheur à une lecture à haute voix (merci à la traductrice Anne Vantal, aux univers, en tant qu’auteur, pas si éloignés).