Trois fleurs sauvages

« On dirait qu’on serait… » : la formule est connue, elle ouvre sur le jeu, et mise à fond sur l’imaginaire. Pour les enfants, c’est le début de l’aventure. Celle des Trois fleurs sauvages est racontée avec beaucoup de tendresse par Liniers. Il s’inspire ouvertement de ses propres petites filles, que l'on retrouve en photo à la fin de l'ouvrage, et pour elles, c’est même de survie dont il s’agit : seules rescapées d’un crash d’avion, elles vont devoir se débrouiller au milieu des gorilles et des dragons, sur une île à la végétation luxuriante et aux fleurs surdimensionnées, et qui parlent !

Dans l’herbier sur les contreplats de l’album, les filles sont associées aux belles fleurs qui poussent en liberté dans la nature, et que l’on fige à jamais dans des cahiers fermés. Mais dès la première page, c’est l’enfance en liberté qui est le cadre privilégié où s’épanouit l’imaginaire. Pas de jouets qui formatent, mais quelques doudous magnifiés par le jeu, et des idées, des rêves, la fougue de cet âge et cette phrase clé pour viatique : « Seule la réalité peut tuer un dragon ».

Bande dessinée, art premier chez l’auteur, l’ouvrage se compose d’un panachage de cases dont la dimension varie avec l’intensité du moment décrit et d’illustrations sur des pleines pages ou des doubles-pages qui apparentent l’ouvrage à la famille des albums pour enfants. Une présentation qui s’adresse à un public élargi, qui découvre la bande dessinée à l’âge auquel on lit encore beaucoup d’albums.

Trois fleurs sauvages est édité par La Joie de Lire, mais le bédéiste argentin Ricardo Liniers Siri, alias Liniers, a d’abord été traduit en français grâce à l’éditeur Didier Jeunesse qui publiait un premier album en 2009 (Juste avant il y avait un plafond) et deux autres paraissaient en 2015-2016 (Un ballon sous la pluie et Écrit et dessiné par Enriqueta) chez l’éditeur québécois La Pastèque qui a aussi traduit ses bandes dessinées : quel dommage que ces titres ne soient plus disponibles en librairie ! Tous les albums célèbrent l’enfance créatrice, à travers ses personnages, filles ou garçons, des animaux qui parlent, des jouets qui s’animent : une approche pleine de fantaisie qui rappelle quelques célèbres prédécesseurs, Maurice Sendak pour la bride lâchée à l’imagination, Tomi Ungerer pour le dessin et les couleurs toujours soulignés de crayonnés qui donnent du relief. Mais aussi des auteurs contemporains, comme François Henninger dans Les mystères de Jeannot et Rébecca pour le dynamisme et le choix des couleurs, et Mathilde Poncet pour la fantasmagorie du jeu comme dans Des vacances timbrées.

De quoi inspirer les jeunes aventurières et aventuriers !