Une maison pour neuf (T. 2). Notre avenir radieux

Pays-Bas, 1939. La guerre gronde en Europe, et jusque dans ce pays pourtant neutre. La famille de Nine continue à vivre chichement du commerce de cigares, et la jeune fille doit abandonner son rêve de devenir institutrice pour travailler chez « la Prussienne », femme de « l'empereur du cigare ». Son rôle la déconcerte : on ne lui demande pas de nettoyer ou cuisiner, mais d'accompagner une fillette, nièce de la maîtresse de maison.
Lise se révèle de caractère difficile, et Nine s'impatiente. Alors que son père et ses quatre frères ont été enrôlés dans le service de travail obligatoire, alors que les Allemands envahissent la ville, elle en a assez d'être l'aînée des filles, celle à qui on demande sans cesse d'être la plus raisonnable. Lise accuse bientôt Nine de vol, et cette dernière va travailler ailleurs, chez une demoiselle dont le locataire collabore avec les nazis...

A nouveau racontée par Nine, une histoire mouvementée voire rocambolesque se mêle à l'Histoire, tragique et dont les filles prennent peu à peu la mesure. Muulke grandit en sagesse de même que Nine, et les deux soutiennent Jes, toujours handicapée par ses problèmes de dos, toujours dans les jupes d'une mamie Mei pourtant affaiblie. Entre enfance et âge adulte, le prisme de lecture reste celui de l'étrange, du magique introduit dans la vie quotidienne. C'est un cheval qui ne supporte pas le noir de la nuit, c'est un « fantôme » de petite fille entraperçue derrière la maison, c'est un rat dans la cave que personne n'a jamais vu, etc.
Mais Nine se confronte aussi à un premier amour mal choisi, et à des exactions envers la population dont elle met un moment à saisir le sens abject. Dans ce roman sincère, la violence n'est en rien éludée mais son caractère impromptu semble anesthésier les facultés de compréhension de Nine. Son père lui avait dit que la guerre ne concernait pas les enfants, et elle l'avait cru avec la naïveté de ses quinze ans...
D'une écriture singulière dont l'attachement aux détails ne cache pas la puissance, Benny Lindelauf dépeint un monde que nous savons révolu et qu'il rend plus que réaliste. Envie de vivre et amour filial sont au cœur des (més)aventures de la famille de Nine, soudée malgré les séparations de la guerre et l'entrée dans l'adolescence des enfants du premier tome. Une traduction (pas si courante) du néerlandais originale et magnifique, dont on espère qu'elle trouvera son lectorat en France.