Pas une

Il était une fois un petit garçon qui ne savait pas pleurer. La preuve ? A la mort de son grand-père, « pourtant il l’aimait », il n’a pas versé une larme. A partir de ce constat, deux lignes se dessinent, celle du petit garçon qui ne veut pas pleurer parce que « pleurer rendait idiot » et celle de ses parents qui s’affolent et épient leur petit dans son étrangeté supposée. Car ce que racontent Georges Printemps et Fabio Peissl est l’histoire d’un double enfermement : celui de l’enfant qui prend pour argent comptant ce que les adultes d’autorité profèrent et celui des parents qui attendent de leur enfant un comportement conforme à la norme et s’en remettent pour cela à la science médicale. Le petit garçon imagine son corps comme une vaste mer où flottent de petits bateaux. Les larmes risquent alors de noyer, de submerger les frêles esquifs qui l’habitent. Les pensées du petit garçon se développent tranquillement et l’auteur, à ses côtés, nous explique ce que les parents ne voient pas. En ombres chinoises, les parents découpés comme des silhouettes vieillottes finissent par regarder l’enfant et se rassembler autour de lui. Critique de la médicalisation à toute fin, déconstruction de la pensée enfantine et des stéréotypes parents / enfant, la fin heureuse expose une vision apaisée des rapports adultes-enfants.

L’illustration et la mise en page de cet album sont porteurs d’une certaine originalité. Collages d’images et de phrases posées sur des fonds aquarellés clairs ou sombres, qui donnent l’impression d’un monde qui flotte entre réel et surréalisme. Des dessins extrêmement fins, hyperréalistes, côtoient des mises en scène burlesques : le doigt de Dieu de Michel Ange sort d’un cadre et tient entre ses doigts une gélule de médicaments ; les poissons nagent en l’air comme chez Magritte et l’ambiance est à la fois familière et étrange.

Un album riche de points de vue et de questions où le lecteur peut s’amuser, s’émouvoir, entrer dans l’esprit des uns et des autres et rêver…