Désobéis!

Christophe Léon est un écrivain très intéressant et chacun de ses livres mérite qu’on s’y arrête.
Intéressant car c’est un empêcheur de penser mou, de se contenter de vivre tranquillement dans sa bulle, sans se préoccuper de la marche du monde et de ses ratés. Chaque livre dénonce et alerte, et place les lecteurs devant un choix simple : faire l’autruche ou devenir un grain de sable pour enrayer les machines et les machineries qui détruisent l’humain et son environnement.
Dans ce recueil de nouvelles au titre en forme d’apostrophe, il s’adresse aux adolescents par le biais de personnages adolescents qui, chacun à sa manière, désobéit.
Neuf nouvelles s’attaquent à tout ce qui nous fâche : « Ernesto » dénonce les pratiques intolérables des agences de location et les loyers abusifs pratiqués. « Guérilla » parle, de manière inattendue, des murs de la honte que l’on élève dans le monde, entre Palestiniens et Israëliens par exemple. « Pourquoi regardez-vous cette affiche » met l’accent sur les publicités envahissantes qui polluent les villes, et sur les militants qui les détournent. « Le gang des mille et une nuits » s’attaque au gaspillage et à l’éclairage urbain. « Le refus » met en scène Corentin, bon élève de seconde, venant au lycée en jupe pour dénoncer l’homophobie dont est victime l’un de ses camarades. « Commando », dans un récit presque entièrement dialogué, aborde le problème de l’expérimentation animale et la vivisection- « Plus ou moins » raconte, par la voix d’une adolescente, Lé, un peu réticente d’ailleurs, comment sa mère se débarrasse méthodiquement de tous les meubles et objets de la maison pour gagner sa vraie liberté. « Changement de braquet » raconte Bouli, un jeune garçon paralysé qui se déplace en fauteuil roulant, et qui veut expliquer, à sa manière, combien sa vie quotidienne est difficile. Enfin, « Pour la vie » s’intéresse à l’accueil des sans papiers, dans un récit plein de nuances.
Ces neuf nouvelles, aux chutes très soignées, sont toutes différentes dans le traitement narratif. Jamais Christophe Léon ne tombe dans la démagogie. Ses personnages adolescents ne désobéissent pas « gratuitement ». Ils ont des causes à défendre, sont souvent soutenus par des adultes, ou doivent parfois vaincre des réticences ou des peurs pour passer à l’action. Mais ils assument tous leurs choix et leurs actes et sont capables de les expliquer. L’indignation ne suffit pas, alors la désobéissance devient nécessaire pour le monde change.
Grâce à cela, ces neuf textes résonnent et contiennent une grande force.