Mangée, mangée

En exergue, Mathias Enard, l'auteur, nous prévient : ce livre est "un conte terrifique et balkanique pour les parents inquiets qui souhaitent que leurs enfants leur apprennent quelque chose sur la vie, la mort et l'estomac des loups". Une façon de nous dire que les thèmes classiques, forêt, loup, désobéissance, seront traités avec humour et dérision.
Dans l'univers de la jolie petite Lila, tout est joli : son prénom, sa robe, sa maman, son papa et sa maison. Une vie heureuse, que la désobéissance va compromettre, dans le monde idyllique de l'enfance. Idyllique, l'est-il vraiment ce monde où les interrogations se bousculent dans la tête des enfants, où la curiosité et le désir de transgression sont dûrement sanctionnés (finir découpée en morceaux par un méchant bonhomme et dévorée par une louve affamée n'est pas précisément réjouissant), où les hommes peuvent se révéler plus dangereux que les loups. Pas sûr ! Peut-être que seules les poupées y détiennent la sagesse et la connaissance.
Traitées avec une légèreté qui donne à cet album toute sa saveur, ces questions susciteront, n'en doutons pas, bien des interrogations de la part du jeune public et s'avèreront source de dialogue entre enfants et parents. On notera par ailleurs une collaboration très réussie entre l'auteur et Pierre Marquès, l'illustrateur - qui ont déjà travaillé ensemble sur d'autres textes de Mathias Enard - texte et image se répondant dans un bel équilibre.