Babel Africa

Ecrit à onze paires de mains sous la supervision de Muriel Bloch et Magali Attiogbé pour l’illustration, ce recueil de contes couvre quinze pays d’Afrique subsaharienne (y compris Madagascar et les Comores). Il nous apprend d’abord la place et le rôle des filles dans les diverses sociétés villageoises ou royales, et cela quels que soient la langue, le pays et le mode de collecte ou de transmission.   

Sous des dehors charmants, c’est-à-dire enchanteurs, que peut faire Kamma pour être libre ? Enfermée dans un trou, enterrée par ses frères pour qu’elle ne tombe pas enceinte en leur absence, elle attire par son chant le beau Laïbé. Sirène grecque, Shéhérazade ou Kamma, c’est la parole qui captive et délivre, d’où l’importance du chant dans cette fonction de libération, de résistance ou de magie. La petite Binta (« La part des ancêtres ») qui ne demande rien d’autre à son père que des beignets de haricots, mais refuse obstinément de se marier contre son gré, possède bien une part de magie puisque, quand elle chante, cela suffit à faire pousser des beignets sur un arbre.

D’autres contes évoquent le statut de fille. Sortir de son genre et être battante comme Ndagabà ou être ambiguë comme Milaloza (« ou l’enfant qui cherche le malheur ») et qui « attrape » son nom, Soalandy, « un nom de fille »… et ne trouvera l’apaisement que dans la réconciliation de ses deux prénoms, étrange et douloureuse aventure.

Si les contes présentés relèvent majoritairement du merveilleux, issus de royaumes anciens (les amazones du royaume d’Abomey) ou de tradition rurale, peu sont des contes d’origine, « Nanana Bosele Sele », cependant, révèle comment l’éléphant devint herbivore et « La poule », conte facétieux, narre la mésaventure d’un jeune garçon naïf piégé en ville.

La diversité des voix et des pays (d’où le titre du recueil) est d’une certaine façon unifiée par l’illustration de Magali Attiogbé. Elle poétise les textes par son travail très coloré et réussit à faire vivre ces Afriques hors du temps où se débattent comme ils peuvent les personnages pour le plaisir et l’édification des lecteurs.