Blancaflor : la princesse aux pouvoirs secrets

Blancaflor est magicienne, elle frime selon ses sœurs, mais il n’empêche que grâce à elle un grand benêt de prince va échapper aux crocs aiguisés et au gosier en pente raide de l’Ogre son père ! Ce dernier a fomenté un piège mortel dans lequel le jeune homme se précipite, retenu subrepticement par une Blancaflor qui succombe à sa gentillesse et peut-être aussi à sa beauté, bah, on n’est pas si insensible… La finaude a plus d’un tour dans son sac pour gruger le simplet, mais son Ogre de père lui aussi en fera les frais... !
Pour lui échapper, Blancaflor et son amoureux s’enfuient à cheval et la jeune femme transformera les objets emportés dans sa sacoche pour dresser des obstacles devant la monture enchantée de ce père furieux devant l’indocilité de sa fille et devant ce prince aveuglé par sa chance insolente !

Pour ce conte traditionnel dans sa version d'Amérique latine, Sergio García Sánchez offre au lecteur un beau dessin tout en excès dramatiques, en harmonie avec le caractère épique du récit. C’est une mise en images qui joue sur un découpage original où les cases qui déroulent les temps de l’action peuvent être intégrées au cadre général sur un plan pleine page, avec un effet très spectaculaire ; de plus, les éléments, les personnages s’extraient du cadre de la case, comme pour en jaillir. Cette interprétation apporte le dynamisme et la vigueur correspondant au récit d'une grande fraîcheur de ton. Le texte de Nadja Spiegelman est en effet très enlevé et humoristique, avec des échanges savoureux entre les personnages, dont la traductrice Alice Delarbre restitue la verve et la modernité avec talent.
En outre, les personnages sont attachants, caricaturaux mais sympathiques et drôles, et le renversement des rôles entre héros et héroïne est très finement amené. La femme forte est paraît-il un personnage récurrent de la culture d'Espagne importé en Amérique latine, une tendance qui semble s’installer dans la transmission des contes aujourd’hui dans la littérature pour les plus jeunes également sous nos latitudes.
Avec son bel écrin de motifs géométriques colorés et le dossier de présentation qui ouvre l’histoire avec une préface documentaire de l'autrice F. Isabel Campoy, spécialiste des contes, et la referme sur la postface crânement féministe de Nadia Spiegelman, cette aventure devrait devenir un titre phare des bibliothèques jeunesse.  

Une fois au château, la légitimité de Blancaflor est mise à mal par la maladresse d’un prince décidément idiot. Heureusement, à son tour, il surprend la jeune femme dans une situation difficile, et comprend que sa chance, c’est justement Blancaflor. Il ne la lâchera plus jamais. Comme quoi, on peut promouvoir les personnages de femmes fortes et être aussi un peu fleur bleue…