Gino Bartali : un champion sauveur d'étoiles

Gino Bartali est né pauvre, est resté humble, a vécu religieusement (il faisait partie d'un ordre mendiant séculier). Ce qui ne l'a pas empêché de gagner quantité de courses cyclistes prestigieuses, dans son pays, et aussi en France… avec toute la ruse d'un grimpeur aguerri, de celui qui s'est fait lui-même. Marqué par le décès prématuré de son frère, inspiré par la dignité de ceux qui n'ont rien ou si peu, Gino Bartali est moins connu pour son rôle joué durant la Seconde Guerre mondiale, en pleine Italie fasciste. Transport de papiers cachés sur ou dans son vélo, passage clandestin de familles juives en zones libres, le sportif n'a pas ménagé sa peine, et sa vie, sans en toucher un seul mot à ses proches. Après-guerre, il gagnera encore quelques courses, avant de recevoir à titre posthume, en 2013, le titre de Juste parmi les nations.

Une collection entièrement dédiée aux Justes est un créneau particulièrement étroit, mais de toute façon riche, et propice à la découverte. Bartali est souvent resté dans les mémoires du sport avec son rival Copi. Il faut dire qu'il a voulu longtemps cacher son héroïsme résistant, et que même Ahmed Kalouaz, se glissant dans la peau d'un « ami » du coureur, doit faire semblant d'enquêter, d'apprendre ce qu'il nous raconte. L'écriture est celle d'un véritable auteur, parfaitement naturelle, sachant captiver son lecteur et le faire souffrir sur un vélo, le frustrer aussi lorsque Bartali se fait muet. La façon dont politique et sport peuvent s'articuler est montrée avec beaucoup de finesse. Pas de dossier final, mais il n'y en avait pas besoin tant l'intensité de l'existence de cet « homme de fer » transparaît à chaque page. Les détails historiques (dates, personnages, lieux précis...) en deviendraient presque secondaires pour laisser la place à l'âme du Juste.