Irina vs Irina

Irina, jeune fille de douze ans, vit seule avec son père, sa tante qui lui sert de mère depuis le décès de la sienne, et « Irina », personnage de papier inventé par son père alors qu'elle était toute petite, à partir de ses bons mots et attitudes d'enfant. « Irina » est devenue une longue série à succès, et on prévoit la comédie musicale. Poussée par sa tante pour interpréter le personnage principal, oscillant elle-même entre réalité et fiction, Irina se rebiffe pourtant, voudrait accéder à une vie bien à elle. Habituée à ce que ses désirs soient exaucés, elle imagine que le jeune voisin d'en face, Bernard, orphelin déscolarisé un peu excentrique, va la sauver d'Irina.
Les courts chapitres Irina/Bernard rebondissent d'une fenêtre de l'immeuble à l'autre, incompréhension et humour à la clé. Ces deux-là, la névrosée et l'impulsif, petits adultes miniatures trop tôt jetés dans les malheurs, aux réactions pourtant encore d'enfants, n'avaient rien en commun pour se rencontrer, si ce n'est une même souffrance sous-tendue d'un appétit inconscient pour la liberté. Irina veut s'arracher à des souvenirs encombrants, Bernard s'accroche aux habits de sa mère pour ne pas l'oublier. Ils vont s'entraider mutuellement, avec ferveur et une jolie naïveté, afin de se donner à l'une une confiance en soi, à l'autre une raison de vivre. Le déroulé de l'intrigue prend son temps, composé de menues actions loufoques ou dramatiques, qui s'additionnent et culminent dans un final étonnant, excessif sous sa drôlerie. Le ton original de Jakuta Alikavazovic convenait tout à fait à cette situation hors-normes !