L'enfant nucléaire

Jiminy Waterson a la particularité de pouvoir manger, et digérer, absolument n’importe quoi : ordures, plastique ou métal, eau de javel, dérivés radioactifs… tout ! Devenu adulte évidemment solitaire, il entreprend avec son ami Alex de vivre de son « art », en effectuant un show bi-journalier dans un restoroute minable. Jiminy se pose quand même des questions sur son avenir, jusqu’à l’improbable rencontre avec une chanteuse paumée, Leia.
Ce roman ne peut en aucun cas vous laisser indifférent. Chez un lecteur moyen qui s’attend quand même à quelque chose d’assez haut en couleurs (nous sommes dans la collection Exprim’ de Sarbacane), il provoquera au minimum l’ébahissement, et jusqu’à l’effroi ou l’écoeurement. Ce n’est pas pour autant que vous reposerez l’ouvrage, car vous serez pris dans la spirale violente autant qu’envoûtante que constitue la vie de Jiminy. Quelle maîtrise d’écriture ! Daph Nobody use et abuse de la provocation dans une construction virtuose, enchaînant les petites scènes apparemment sans lien, et qui vont se rejoindre dans un final absolument délirant, presque parodique d’un film d’action avec revolvers et tirs à tout va. Derrière cette forme atypique, on s’interrogera cependant sur la notion de « monstre » et l’utilisation voyeuriste qu’en fait notre société. Tout le monde trouve son compte dans la différence de Jiminy, instrumentalisé d’abord par son meilleur ami, puis récupéré par des politiciens et enfin par la science. Et finalement, L’enfant nucléaire ne devient plus qu’une intense tragédie contemporaine. On peut parler de fantastique, mais cet aspect s’oublie vite tant il est possible de se retrouver à travers les pages. L’auteur aura mis quatorze ans à achever ce gros roman écrit à la troisième personne (comme il se doit…), et, qu’il se rassure, le résultat est parfaitement, épouvantablement réussi ! A lire à partir de 14-15 ans pour la fine bouche, si l’on peut dire…