Les aventures agricoles d'Harry l'agriculteur

Comme une ultime reconnaissance, Les Aventures Agricoles d’Harry l’Agriculteur, paru en 2012, est publié aujourd’hui en version poche dans la collection Panda poche chez Albin Michel Jeunesse. Le thème du récit, plutôt inédit, porte sur la question du modèle agricole. Harry Cauvert est un agriculteur heureux qui passe ses journées à arpenter ses champs où il cultive céréales, brocolis, pommes de terre, persil, bref, quantité de végétaux, à l’exception bien sûr des haricots verts ! Et tout semble aller pour le mieux jusqu’à ce printemps où les graines refusent étrangement de germer. En guettant depuis son tracteur, Harry finit par démasquer le coupable : une puissante machine aspirateur siglée Agri WORLD commandée par un vendeur de semences en blouse blanche et en train d’avaler en toute illégalité les dernières graines de son champ. Face à une agriculture de laboratoire et ses promesses d’un monde meilleur, Harry et ses amis agriculteurs Pam et Rudy feront finalement le choix de la continuité et du dialogue pour défendre leur mode de culture à taille humaine.

Le mérite de l’ouvrage est double : faire découvrir au lecteur un métier malgré tout ancré dans la modernité (Harry porte des casquettes publicitaires et utilise des outils mécanisés, qui sont par ailleurs présentés tout comme les végétaux) et ouvrir le débat sur la question, peu traitée en jeunesse, des biotechnologies.

Auteur de romans, bandes dessinées et albums jeunesse, également rédacteur pour la presse jeunesse, Christophe Nicolas est un touche-à-tout de l’écriture et sa plume alerte nous éveille ici sans pour autant tomber dans le discours moralisant. Sur un sujet sérieux, l’album est avant tout plein de drôlerie et d’une fantaisie qui doit beaucoup aussi au duo formé avec le talentueux Ronan Badel (illustrateur de la série Émile de Vincent Cuvellier, lauréat du prix Sorcières en 2013 et 2015). Ses dessins réalisés au crayon dans un style bande dessinée multiplient les clins d’œil et les détails humoristiques (les animaux notamment toujours en mouvement) posés comme un acte de résistance face aux dangers d’un monde livré aux multinationales et à leur inévitable déshumanisation.