Les facétieuses

Clémentine Beauvais, chassée d’Angleterre en raison du Brexit, erre comme une âme en peine dans Paris. Un miraculeux contrat pour une saynète historique la pique au vif et la remet en selle. Il s’agit d’enquêter sur la marraine la bonne fée de Louis XVII, ce dauphin jamais couronné et mort précocement pendant la Révolution française. Les marraines la bonne fée sont des aristocrates élevées pour acquérir des pouvoirs magiques, et elles ont soutenu tous les enfants de nobles durant l’Ancien Régime. Elles sont censées avoir aujourd’hui disparu, et on en parle très peu dans les livres d’histoire.

Avec l’accord circonspect de son éditeur Tibo Bérard de Sarbacane, Clémentine Beauvais se lance dans un roman de fantaisie historique féministe. Car oui, les marraines la bonne fée étaient certes des femmes à particules royalistes, mais aussi et surtout des femmes libérées financièrement, sexuellement…

Usant du « je » et se moquant avec auto-dérision d’elle-même, l’autrice raconte par le menu ses pérégrinations. Elle s’étonne de l’intrusion de la magie dans son quotidien, à travers des détails hallucinants, elle achète une baguette de marraine la bonne fée et se laisse guider aux vibrations interprétables, elle rencontre des chercheurs dotés de tempéraments sourcilleux de convaincus, elle se métamorphose peu à peu, de robe en coiffure… Son enquête avance, et elle avec.

Une des bonnes idées de Clémentine Beauvais est de ne pas suivre un seul lièvre, de ne pas donner toutes les clés, de parler aussi d’elle et de ses doutes de créatrice. La magie en tant qu’évidence historique est une valeur ajoutée comique, une cerise sur le gâteau qui expliquerait toute notre histoire sociale (dominants/dominés) et économique (montée en puissance du capitalisme) ! Une grande réussite dans un style encore une fois innovant, on ne peut qu’adorer.