Les rêves rouges

Près du lac Okanagan, Canada, Lachlan vit seul avec sa mère, Indienne combative rejetée par sa famille. Pour l'amour de Daffodil, jeune fille aux beaux yeux mauves atteinte de trichotillomanie, il quitte sa bande de copains. Daffodil se passionne pour le monstre du lac – Ogopogo ou N'ha-a-itk – et finit par apercevoir cet énorme serpent rouge en même temps que Lachlan. Mais ce dernier, par crainte des moqueries de son ancien groupe, n'assume pas sa découverte. Puis tout s'accélère : Ogopogo se montre de plus en plus, Lachlan et sa mère sont victimes de violentes attaques racistes.

Temps suspendu, narration réfléchie (de Lachlan), héros ordinaires aux aventures extraordinaires... Jean-François Chabas nous invite à nous regarder, que ce soit par le biais conscient de turpitudes humaines bien cachées qui se révèlent au fil des pages, ou par celui fantastique d'un monstre capable de lire dans nos têtes nos pires cauchemars. Chaque détail peut faire sens, de la mère qui travaille dans une usine de décorations (militaires, académiques...) à l'ancien alcoolique tatoué d'une constellation. Tout le monde cache un secret douloureux, mais rares sont ceux ayant réussi à le surmonter, et la violence est malheureusement la réponse la plus simple. Elevé sainement quoiqu'à la dure, Lachlan est le porteur, l'observateur idéal de cette petite communauté repliée sur elle-même malgré le tourisme. Un roman un peu fou qui en dit beaucoup sur nous.

« Le fils de l'homme d'Orion avait cette transparence que chacun prétend louer, mais qui est fuie comme la peste puisqu'elle est si dangereuse, annonciatrice de souffrances. » (p. 217)

« Assurément, le monstre tenait les gens sous la coupe de leurs propres secrets. Il était leur conscience sombre, leurs souvenirs cuisants. » (p. 221)