Misé misé : 11 contes ivoiriens de la Comoé

Mais où courent donc ce vieux monsieur avec son petit banc, ces enfants rieurs, ce motocycliste pressé, ces femmes joyeuses ? Ils se dirigent tous résolument sous l’arbre à palabres, sur la place du village, où ils s’apprêtent à écouter un vieillard.

On est en Côte d’Ivoire, dans la Comoé. Une présentation en fin d’album à visée documentaire nous apprendra qu’il s’agit d’un parc naturel et que la collecte des contes présentés est le résultat d’un projet de conservation de récits oraux mené par Camille Lavoix, l’autrice.

« Misé, misé,
Je vais vous raconter une histoire ».

Dès lors, le lecteur auditeur est en condition pour écouter les raisons de quelques bizarreries animales que le conte explicite. Ainsi, le crabe est plat et marche sur le côté parce qu’il a été écrasé par Toulô l’éléphant, ce qui est très injuste parce qu’il a sauvé la récolte contre l’appétit de Gbangan le chacal.

Ces animaux archétypiques ont des noms qui reviennent parfois d’une histoire à l’autre. Ainsi le puissant Toulô peut être berné. Le chacal ou le poulet, même petits, peuvent gagner contre lui.

On retrouve dans ces récits africains les ressorts comiques des contes animaliers où la ruse importe autant que la force, où la rapidité permet la survie, comme l’apprend Tebii le cabri. De la même façon, heureusement pour les petits que les puissants ne doutent de rien. C’est ainsi que les moutons abrités sans le savoir dans l’antre de la terrible hyène Chakoua, réussissent à se sauver parce qu’elle est tellement heureuse de son futur repas qu’elle les laisse échapper malgré les conseils avisés de l’araignée ! Forts en stratégie, Dénéou, les escargots gagnent la course contre Dagba l’antilope puisqu’ils savent que l’union fait la force ; morale que les enfants doivent apprendre puisque la fonction de ces contes est récréative et éducative.

Cet album, riche de la particularité du lieu, de la langue qui émaille le texte de Camille Lacroix, est rythmé par la saisissante illustration de Vyara Boyadjieva. En effet, cette mise en images soutient l’intérêt des contes en donnant à voir les lieux, ces maison à claire-voie, cet environnement du fleuve mais aussi toute la population captivée. Elle rassemble adultes et enfants jusqu’au délire final auquel s’associent tous les animaux dans une course ou une danse effrénée et donne ainsi une image heureuse, pleine de vitalité de ce coin d’Afrique pris entre modernité et héritage.

Beaucoup d’élan et de souffle. Un travail magnifique.