Tout revivre

Jordan et son jeune frère Matthis viennent de perdre leur mère dans un accident de voiture. Ils sont obligés d’aller habiter chez leur père, remarié et peu désireux de doubler son nombre d’enfants (il a deux autres filles). Alors Jordan et Matthis se terrent dans un silence malheureux. Jordan pense qu’il doit protéger Matthis, tout en multipliant les bêtises au collège. Matthis se fait discret, si discret que d’autres élèves le maltraitent sans que personne ne s’en rende compte. Et puis il y a Solveig, leur cousine d’une vingtaine d’années, elle-même cabossée par la vie, mais qui sent bien la détresse des deux garçons. A l’occasion de travaux dans la maison de sa grand-mère dont elle a hérité, Solveig cherche à se rapprocher de ses cousins.

Les prises de parole laissent à chacun le temps de développer – ou pas – son quotidien et ses affects. De manière assez peu logique, mais d’autant plus intéressante d’un point de vue littéraire, c’est d’abord Solveig qui parle, la moins concernée si on peut dire. Elle pose les bases de l’histoire, observe le deuil des jeunes garçons, se démène aussi pour trouver sa propre voie. Le fragile Matthis enchaîne et raconte sa souffrance, sans lui trouver de solution : la situation s’enlise, noire et désespérante. Jordan au cœur rempli de rage termine le roman, d’abord avec violence puis incertitude, enfin tourné vers l’apaisement à la dernière page – jolie citation de Camus.

C’est l’histoire d’un deuil, de deuils : celui de la mère des garçons évidemment, celui de la grand-mère de Solveig (et peut-être aussi de sa mère à la situation particulière…), et au fond celui d’une enfance, d’une innocence… Mélody Gornet s’empare de son sujet d’une façon très personnelle, curieusement lente et intense à la fois, tortueuse tout en restant concentrée. Premier roman, Tout revivre n’est pas une écriture qui fuse et se lit d’un trait, mais une construction réfléchie, originale jusqu’au bout des sentiments des personnages. A découvrir sans tarder.