Tout se transforme
L'avis de Ricochet
Quelle petite merveille que ce joli livre illustré de Tony Durand !
D’apparence si simple, c’est pourtant une invitation à réfléchir sur le temps, les notions d’avant-après, sur la transformation et l’évolution, inspirée par le célèbre principe du chimiste Lavoisier (« Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ») et qui se poursuit grâce à l’intuition du poète belge Eugène Savitzkaya citée en fin d’ouvrage (« La transformation vaut mieux que l’inerte possession ») qui ouvre sur la nécessaire économie de la raison. Quel programme pour de petits enfants !
Et pourquoi pas ? Pourquoi ne pas apprendre tout jeune à réfléchir ? Grâce au choix par exemple, d’une composition en reflet où texte et image se combinent et entraînent le regard à compléter sans cesse son observation et la compréhension de ce que dit l’auteur Tony Durand.
Chaque page s’ouvre sur un texte d’apparence très simple, mais qui induit une réflexion sur le temps, parfois à double-sens : « Le glaçon se souvient qu’avant, il était un iceberg, et que l’avenir l’inquiète un peu quand même ». En regard, l’illustration se compose de formes stylisées, aisément reconnaissables, en papiers découpés et collages, sur des fonds unis que l’impression mouchète d’imperceptibles blancs qui font trembler la couleur dans la lumière : c’est l’image d’un monde proche de l’enfance, auquel le jeune lecteur, la jeune lectrice, est immédiatement sensible. Chaque observation est faite sur un ton malicieux, qui fait la part belle à l’humour, du sous-entendu à l’ironie légère : « Le mouton se souvient qu’avant d’être sur les épaules de la fille, la laine était sur les siennes ». Certains traits sont de poésie pure, faite de temps suspendu, question sans réponse : « Les yeux voient ce qu’il y a à voir, mais pas ce qu’il y a eu, ni ce qu’il y aura ». Parfois, c’est la cocasserie qui l’emporte, dans un éclat de rire : « Le tuyau d’arrosage raconte qu’il est un serpent et qu’il a été capturé en Afrique […] » !
Le regard se porte parfois sur l’illustration, pour comprendre : devant le Chaperon rouge qui lui tend un morceau de galette, un chien fait le beau ; le pauvret, il a « oublié qu’il y a longtemps, il était un loup ». Sauf que l’image se prolonge de l’avenir ou de l’origine, car de la poule et de l’œuf, on ne sait pas trop qui arrive le premier : « c’est très serré » reconnaît Tony Durand ! Ainsi l’arbre devient table quand la chaise s’enracine, les aiguilles de l’horloge sur le fronton de la gare sont lancées dans une épuisante course sans fin, attention à ne pas louper le train ! D’ailleurs la goutte d’eau « ne fait que passer », et le lecteur s’amuse à la retrouver dans ses trois états sur l’image.
La lecture elle aussi chemine par étapes, elle avance en progressant, parfois en s’arrêtant un moment, pour prendre le temps, comme l’enfant qui grandit mais qui doit aussi profiter de la vie. Après tout, « avant de devenir autre chose, l’arbre profite d’être un arbre, et il a bien raison ».
Et puisque sur la couverture du livre, l’oiseau installe son nid sur le chapeau de paille du personnage, lorsqu’on referme l’ouvrage, on pourrait compléter le titre et se dire que : réfléchir aussi, c’est grandir, car… tout se transforme. Une très inspirante initiation.
Présentation par l'éditeur
Les nuages deviennent de la pluie qui devient une rivière, l’œuf devient une poule qui pond un nouvel œuf… Le monde se transforme sans cesse, et c’est passionnant à observer ! Voilà le point de départ de ce petit album plein d’humour et d’intelligence pour aborder avec les enfants le thème du changement, de la transformation par le biais de l’observation de ce qui nous entoure. L’arbre et la table