Victoire, monsieur Eiffel !

Paris 1887, deux ans avant l’exposition universelle, près du champ de Mars, c’est l’effervescence ! Quentin, jeune ouvrier est embauché sur le chantier de la Tour Eiffel. Fier de ce travail exigeant et excitant, il contribue à sa manière à la réussite de l’édifice fou, pensé et voulu par Gustave Eiffel et ses collaborateurs : Quentin chauffe les rivets destinés à tenir ensemble les éléments du jeu de construction géant.

Claire Mazard construit habilement le suspense : Quentin est régulièrement interviewé par un homme bien habillé qui le paie cinq francs pour raconter ce qui se passe sur le chantier. Nous suivons donc une double interrogation. Quentin s’interroge un peu inquiet sur l’origine de l’inconnu élégant : pourquoi s’intéresse-t-il à la marche des travaux ? Et, à travers les deux personnages : le chantier de la tour sera-t-il prêt à temps ? Tout l’intérêt de ce roman historique tient dans ce dialogue inégal et paradoxal qui s’établit entre les protagonistes : le plus jeune avec ses moyens limités, travail modeste et salaire de même, connaît des choses qui intéressent l’homme aristocratique plus savant et à l’aise financièrement ! Ce dialogue permet d’expliciter simplement les conditions de travail. Par exemple comment a été embauché Quentin et plus généralement les ouvriers ? Combien étaient-ils payés ? Cela donne l’occasion d’évoquer une grève pour améliorer le salaire. Le dialogue se fait l’écho aussi de l’hostilité du beau monde à l’égard du chantier, Guy de Maupassant en particulier mais aussi Verlaine, Huysmans. Tout un monde parisien émerge sans lourdeur en même temps que les trouvailles techniques, vérins hydrauliques et « bacs à sable » des piliers. Chaque rencontre est l’occasion d’un point sur le chantier, fin du premier étage, second étage, inauguration en perspective, inauguration finale réussie… Quentin ne saura pas le fin mot de l’histoire mais Claire Mazard trouve pour ce roman une fin digne des romans populaires de l’époque, aimablement abracadabrante et sentimentale ! Une fin habile et heureuse poursuivie par un dossier documentaire bien construit. Un joli roman dans une collection qui ambitionne de faire vivre les aventures de l’histoire, un pari réussi ici.