GUERRE, et si ça nous arrivait

Sous l’élégante couverture d’un passeport étoilé, Janne Tellier s’adresse à son lecteur, directement à la seconde personne, " imagine : c’est la guerre". Ce qui commence comme un jeu d’enfant "on dirait que c’est la guerre et…" devient immédiatement un cauchemar : dispersion de la famille entre le frère qui rejoint la milice, sœur hospitalisée dans un établissement sans équipement, grands-parents paternels décédés… Immédiatement le discours direct se nourrit des images des multiples reportages que chacun d’entre nous a vus "tous les jours, un seau dans chaque main, ton frère et toi devez parcourir les rues et traverser la place de l’hôtel de ville jusqu’au camion d’approvisionnement en eau" et nous vivons la peur, le froid, la faim en direct. Ce tout petit livre fracasse l’illusion d’une Europe protectrice puisque la guerre est déclarée entre Français, soumis à la dictature et à la Police de Redressement, Anglais et Scandinaves, au sein de l’Union Européenne en échec. Face à cette situation la famille souhaite émigrer : où, comment ? Les questions d’argent, les humiliations, les camps de réfugiés, rien n’échappe à l’écriture sèche de l’auteure. Le renversement est total. Lorsque la famille quitte le camp, il lui faut s’habituer à devenir des citoyens de troisième zone. La deuxième partie parait un peu plus lourde par volonté d’intégrer l’ensemble des problèmes. Toutes les questions posées, déracinement, valeurs communes ou différentes entre religions, habitudes culturelles, place des femmes, intégration ou exclusion figurent dans cet essai- roman avec un réalisme qui ne doit rien à la science-fiction, comme un avertissement à nos sociétés, à nous-mêmes. les illustrations de JF Martin, désincarnées, froides renforcent le malaise.Un livre coup de poing.