La disparition

C’est une histoire qui résonnera à coup sûr dans la tête de tous les petits frères ou toutes les petites sœurs qui voient leurs aînés grandir : ce moment où la complicité de l’enfance laisse place aux humeurs élastiques de l’adolescence et ouvre un grand vide. C’est ce qui arrive donc à notre jeune narrateur : jusque-là, tout allait bien avec son grand frère Léo, à l’unisson d’un bonheur familial délicieusement routinier. Ils jouent au ballon le soir après l’école, vont sur la rivière l’été pour faire du canoë et partagent le même amour pour les pizzas. Seulement voilà, un jour Léo commence à disparaître. D’abord les pieds, puis les jambes, puis bientôt, il semble avoir disparu tout à fait, tout au moins aux yeux de son jeune frère qui perd ainsi son compagnon de jeu, plus absorbé par l’écran de son téléphone portable. Pour la grand-mère qui a un peu d’expérience de la vie, il n’y a pas de quoi s’inquiéter : un jour Léo finira bien par réapparaître. Et c’est effectivement ce qui se passe : à l’occasion d’un gros orage, une panne d’électricité met le téléphone hors service et voilà les deux frères qui se retrouvent comme si de rien n’était pour une partie de ballon sous la pluie.

En jouant sur l’effacement physique, Béatrice Serre qui a déjà publié plusieurs albums (Mes petits bouts de rien, Les éditions du Mercredi, 2015 ; Ours et Nour, Voce Verso, 2021) saisit avec humour et dédramatise ainsi ce moment toujours mal vécu par les plus jeunes où l’adolescence des aînés isole. Avec un style proche de la bande dessinée, Thibaut Guittet compose quant à lui des images dynamiques au milieu desquelles se promène le grand adolescent à la silhouette dégingandée, plus vrai que nature. Longtemps designer pour l’entreprise Lalique, Thibaut Guittet s’est orienté depuis vers l’illustration et a sorti son premier album jeunesse Zack a perdu sa langue chez Six Citrons acides en 2022.