Roméo sans Juliette

Depuis que sa mère est partie, Roméo se fait appeler Romé par son père. D'après ce dernier, ça fait moins « pédé ». L'homme ne se contente pas de rebaptiser son fils de 11 ans, il décide - toujours dans le but d'en faire un mâle, un vrai - de lui tondre les cheveux et de lui apprendre la boxe. L'enfant n'a pas d'autre choix que de subir les décisions de son paternel malheureux et révolté contre le monde entier. Seul avec cet adulte qui disjoncte, Roméo est mal dans sa peau et ses notes à l'école sont proches de zéro. Contrairement à Juliette, sa voisine et amoureuse de toujours, qui excelle dans toutes les branches. Les années passent... Roméo fréquente des adolescents imprégnés de haine raciale. Quant à Juliette, elle réussit son bac et caresse le rêve d'exercer un jour la médecine.

A travers ce roman à deux voix, Jean-Pierre Nozière nous expose, avec une lucidité effrayante, la lente descente aux enfers d'un enfant éduqué dans la haine de l'autre. Instrumentalisé par son père qui n'a pas supporté que sa femme le quitte pour un homme de couleur, Roméo subit un lavage de cerveau qui fait voler ses maigres repères. Se retrouvant à la rue, seul et paumé, il est enrôlé par un groupuscule d'extrême droite. Juliette, impuissante, assiste à la métamorphose physique et psychique de son ancien amoureux. Puis, en côtoyant l'horreur, Roméo prend conscience de ses actes et décide de changer de vie. Un roman impitoyable sur les coulisses du racisme et l'importance de l'accès au savoir, gage de la liberté.