Le grain de sable

Il a bonne mine ce grain de sable : orange fluo, des yeux vifs et un sourire mutin, on ne voit que lui sur la couverture. De quoi être fier et heureux.

Évidemment, sur la plage, perdu au milieu d’autres grains, le héros est moins joyeux.

Le rythme de l’écriture installe le sujet. De façon cinématographique, on cerne le protagoniste, « l’air pensif », la « mine soucieuse ». L’illustration accompagne le mouvement; tantôt perdu dans la grève, tantôt « ballotté par les vagues », le grain de sable souffre de sa très médiocre condition. Il se rêve « caillou » .

Magie de l’écriture : au conditionnel douloureux (« j’aimerais... ») succède la réalité transformée (« et à peine eut-il formulé son souhait que le grain de sable se transforma »). En caillou d’abord puisque tel était son désir, puis en volcan puisque tel était son vœu, en soleil, en nuage, etc. À chaque nouvel état correspond une insatisfaction et un nouveau désir qui le transporte de la terre aux cieux et des cieux à la plage.

Le style souple de Sylvain Alzial (jeu de rimes, de répétitions, de reprises) encadre les situations qui enflent d’un désir à une déception, jusqu’à ce que le grain de sable devienne un océan, avant de s’extasier devant l’enfant au château de sable, semblable au tableau initial. Pour quel bénéfice, quel désir nouveau ? Repos ou renouveau ? Au lecteur, la conclusion.

La qualité de la mise en œuvre, couverture robuste et papier très blanc, la calligraphie et le discret rappel du point sur les « i », fluo comme le héros, concourent à l’humour et à la philosophie du conte : rien n’est détail, tout importe. Benoît Tardif reprend avec brio ces thèmes anciens de l’insatisfaction et du toujours plus qui caractérisent ce conte de sagesse. Un plaisir à partager quel que soit l’âge.