Mon papy perce neige

Dans la véranda de sa maison douillette, papy Kay s’occupe des fleurs, cent vingt-trois exactement, dont il connaît chacun des noms latins. Avec lui et sa mamie Gerda, Bout-de-Chou aime humer l’odeur du café, assembler des puzzles et jouer aux mots croisés, jusqu’au jour où son grand-père commence à perdre ses mots. Seule à remarquer les noms tomber littéralement au sol, la petite-fille s’attelle à les recueillir pour les conserver précieusement dans une boîte.

L’histoire aborde la maladie d'Alzheimer avec beaucoup de délicatesse et de tendresse lucide. À l’image de ses plantes, le vieil homme se fane au fil du temps : jadis attentionné, il cède à la confusion et à l’indifférence jusqu’à la dépersonnalisation. Sans fausses illusions, l’album démontre l’impuissance des proches confrontés à la progression des troubles et témoigne de tout l’amour que l’on peut apporter pour accompagner un parent.

À travers le regard enfantin de la fillette, Betina Birkjær offre une écriture profonde où chaque mot est choisi pour déjouer tout apitoiement et proposer une lecture métaphorique. Les tons pastel des illustrations d’Anna Margrethe Kjærgaard reflètent le cocon chaleureux et l’attachement profond entre les personnages. La puissance des couleurs incarne l’histoire familiale, évoluant du rose poudré de la douce et insouciante complicité intergénérationnelle, au bleu glacé de la nostalgie des moments heureux.

Face à la disparition lente et inéluctable de la mémoire, cet album émouvant apporte une belle leçon de résilience et de bienveillance. Plutôt que le déni, la compréhension et l’affection de la famille permettent de partager des moments de connivence et de réconforter l’être aimé.