Quelqu’un quelque part
L'avis de Ricochet
Comme dans les albums Qui suis-je ?, et Tout se transforme, Tony Durand sème dans celui-ci des graines de réflexion, à partir par exemple d’une citation. Une phrase d’introduction accompagne un randonneur qui chemine sur le dos d’une carte topographique : « Le bon usage de la carte, c’est quand on se met à rêvasser dessus ». Or la carte, c’est un révélateur de paysages, donc Tony Durand crée pour cet album un décor 100% naturel, les arbres, l’herbe, la terre, les rochers, d'où la question : « C’est quoi un paysage ? ».
Le texte est écrit comme si le livre était découvert à voix haute et partagé, sur un mode questions-réponses pour décrire ce qui s’affiche sur la page, mis en scène par l’auteur : un ensemble de papiers découpés, collés, superposés, figurant des paysages colorés, sur des grains de papier différents, parfois des cartonnages, l’ensemble produisant des motifs en relief qui animent à la fois l’aplat de la page et les mouvements suggérés par les découpages : vallonnements des collines, courant de la rivière, mouvement des nuages. Avec son matériel de prédilection, Tony Durand entraîne les lecteurs dans une drôle de randonnée.
Le texte se détache ensuite de la description pour s’essayer à l’explication, et s’éloigne de l’image ; ce n’est plus tout-à-fait un commentaire et l’image devient alors énigmatique : que sont ces étranges créatures noires, abritées dans les buissons, dont on ne voit que les yeux ? À qui sont ces mains qui s’affairent à composer le paysage ? Tony Durand joue avec ce qu’il crée, joue avec le lecteur, avec finesse et humour. Texte et image ne se complètent pas, ils se superposent. L’image montre du paysage, et des variations, quand le texte interprète comme dans un album… sans texte ! Ce parti-pris est une invitation à commenter soi-même, il éveille la curiosité, on a envie de regarder plus attentivement cette image, ce paysage.
Et puis Quelqu’un rattrape le récit. C’est le petit bonhomme à bonnet rouge rencontré sur le premier contreplat, qui marchait d’un bon pas. Et Quelqu’un, c’est son nom, s’arrête. L’image décrit une succession d’actions commentées dans la discussion qui se poursuit : on émet des hypothèses, on réfute, on réfléchit, on imagine. La conversation randonne elle aussi au rythme des pages que l’on tourne. Quelqu’un s’installe, apprivoise la nature autour de lui au sens que lui donnait Saint-Exupéry, utilise ses ressources. Mais le voilà qui consulte sa carte à nouveau, ça y est, il repart ! Car c’est l’essence du voyage : l’appel de l’ailleurs et le goût de la découverte permettent d’arpenter le monde, d’explorer l’espace naturel et toutes ses variations, de rencontrer d’innombrables images pour créer un récit qui ne finit jamais.
Un album dont le thème apparent n’est peut-être pas le seul, son commentaire peut-être pas non plus le seul possible : une mise en abyme délicieusement excitante pour les jeunes lecteurs. Car « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » ! Tony Durand quant à lui crée une œuvre dont les titres s’articulent. Cet album est lui aussi imaginé pour échanger, pour réfléchir et pour rêver, « ça peut durer des heures »[1]. C’est tout ? Non, sa lecture nous donne aussi envie de voyager !
[1]Phrase de Thibaut Cuisset choisie comme exergue par l’auteur, et répartie entre les deux contreplats de la couverture : « Le bon usage de la carte, c’est quand on se met à rêvasser dessus, et ça peut effectivement durer des heures » .
Présentation par l'éditeur
On entre dans cet album coloré avec la découverte d’un paysage fait de collines, de prairies, d’arbres et d’une rivière. Peu à peu, des animaux entrent en scène. Une réflexion s’installe par le dialogue de deux narrateurs qui s’interrogent : « qu’y a-t-il dans ce paysage ? » Un personnage, « Quelqu’un », fait alors son apparition. Et ce « quelqu’un », héros de cette aventure mystérieuse, va